Les impacts de la météo sur la qualité du vin 2022

Des records de sécheresse qui impactent la qualité du vin

Le mois de juillet 2022 est le plus sec jamais enregistré depuis 1959, soit depuis le début des mesures. Selon les données de Météo France, il n'a plu que 9,7 millimètres entre le 1er et le 31 juillet 2022 , contre 90,8 mm en 2021, soit dix fois moins. En plus des faibles précipitations de 2022, les températures ont battu des records. Le cocktail parfait pour provoquer l'une des plus graves sécheresses de ces 70 dernières années. Au niveau européen, le schéma est similaire, avec plus de 60% du territoire touché par les conséquences de la sécheresse.

Les réservoirs d'eau ne sont pas le seul endroit où nous pouvons constater visuellement cette sécheresse. Il suffit d’aller regarder les terres agricoles et les différentes cultures d’été. Bien qu'il s'agisse d'une culture méditerranéenne et qu'elle soit bien adaptée à la sécheresse, la vigne peut souffrir si les épisodes de sécheresse extrême et les températures élevées se prolongent. Ces effets impactent directement la qualité du moût et du futur vin.

Exemple de grappe manquant d'eau

Quels sont les effets du changement climatique sur la composition du vin ?

Le premier phénomène visible est l'avancée de la phénologie, due à une augmentation des températures. Cela entraîne une modification de la composition du raisin et par conséquent, du vin. Cet effet est très marqué lorsque l’on observe la composition phénolique et les arômes, qui proviennent du métabolisme secondaire du raisin. Aujourd'hui, nombre de ces changements sont favorables à la qualité du vin dans de nombreuses régions viticoles. Toutefois, cet effet pourrait être inversé si les tendances se poursuivent ou s'accentuent.

Le climat est un facteur clé de la production de vin et il a été démontré que le développement de la vigne et la composition du raisin dépendent davantage du climat que du type de sol ou de la variété cultivée (van Leeuwen et al. 2004). Les différences climatiques entre les différentes années sont un phénomène auquel les viticulteurs sont habitués et que l’on appelle couramment l'effet millésime. Cependant, le principal problème aujourd'hui est que l'augmentation généralisée des températures et les sécheresses font que de nombreux vignobles sont soumis à un climat auquel ils ne sont plus adaptés d'un point de vue phénologique et physiologique.
À mesure que les raisins mûrissent, leur teneur en sucre augmente et leur acidité diminue
. C'est le résultat d'un processus naturel de la plante : la respiration, la plante métabolise l'acide malique. Cependant, c'est un processus qui est accéléré par les hautes températures. Depuis plusieurs années, cela se traduit par des vins moins acides, donc des pH plus élevés et plus concentrés en alcool.

De plus, le stress hydrique inhibe le développement végétatif (rameaux et feuilles), favorisant le développement des baies. En raison du manque d'eau, les baies ont une taille réduite mais une concentration plus élevée de composés phénoliques (arômes et polyphénols) (van Leuween et al.2009).

Si ces conséquences peuvent s’avérer positives dans les zones où les sols sont profonds et disposent d'une réserve utile moyenne ou importante, dans les zones plus chaudes et plus sèches où la réserve utile du sol est faible, le stress peut être beaucoup plus important. Il a également un impact sur les arômes et les précurseurs d'arômes du raisin, mais il varie selon la famille aromatique.
Par exemple, si l'on se réfère aux thiols (arômes de pamplemousse ou fruit de la passion), on aura une concentration plus faible les années où le stress a été important, et au contraire, des concentrations élevées les années plus humides (Peyrot des Gachons et al. 2005).
Les norisoprénoïdes, c'est-à-dire les arômes rappelant la violette, le miel ou encore la framboise, augmentent également lors des années de stress hydrique prononcé. Toutefois, les raisons de cette augmentation sont différentes. En effet, comme la plante est moins vigoureuse en raison du manque d'eau, elle laisse les grappes plus exposées et ces composants présents dans les baies se dégradent plus rapidement (Koundouras et al. (2006).

Quel avenir pour les vignobles ?

Le bilan hydrique pour les années à venir est assez incertain car il n'y a pas de consensus entre les experts en climatologie sur la répartition des précipitations tout au long de l'année

Dans un contexte de réchauffement climatique, il est très probable que la majorité des vignobles méditerranéens européens soient exposés à une augmentation de l'évapotranspiration, phénomène déjà enregistré depuis de nombreuses années. La première conséquence pourrait être une diminution généralisée des rendements, principalement causée par une taille des baies beaucoup plus réduite (Ollat et al., 2002) mais aussi par une diminution du nombre d’inflorescences.
L'impact sur la qualité du vin pourrait varier en fonction de la zone géographique. De nombreuses régions pourraient bénéficier de températures plus élevées, comme les célèbres régions bordelaises en France. Cependant, la qualité pourrait être affectée en cas de périodes de sécheresse prolongées, car la photosynthèse est bloquée dans la plante, ce qui paralyse toute évolution de la plante.

@Sencrop

L'augmentation des températures favorise la précocité des cycles, il est donc important d'établir des stratégies de gestion pour atténuer les effets du changement climatique.

  • Le principal outil dont dispose le viticulteur est le choix du matériel végétal. La plantation de variétés et de clones à cycle plus long ou l'utilisation de porte-greffes plus résistants à la sécheresse peuvent être des options viables. Cependant, dans certaines régions, les restrictions propres aux appellations ne permettent pas de telles adaptations car il s'agit souvent de variétés qui ne figurent pas dans la liste des variétés autorisées.
  • En termes de gestion du vignoble, les systèmes de conduite qui éloignent les grappes du sol, où les températures sont généralement plus élevées, et favorisent l'ombrage des grappes peuvent permettre de préserver et de maintenir de nombreux précurseurs aromatiques. La réduction de la masse foliaire lorsque les températures sont très élevées réduit la transpiration de la plante et, par conséquent, la perte d'eau.
  • Une taille tardive peut protéger contre les gelées de printemps et aussi retarder le cycle en retardant le débourrement.

Le climat joue un rôle fondamental dans la composition du vin chaque année et l'apparition de plus en plus fréquente de phénomènes extrêmes rend le travail du vigneron plus difficile. Il est important de tenir compte des tendances que nous observons depuis plusieurs années, avec l'augmentation générale des niveaux d'alcool et la diminution de l'acidité totale causée par des années de plus en plus chaudes et sèches, lors de la prise de décisions concernant la gestion des vignobles afin de préserver la typicité des vins de chaque région.

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Étude de cas sur la vigne